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Ok je me suis inscrite.
Et la saison neige a débuté avec les petites courses du coin. Les chiens sont en forme mais ce n’est pas avec des course de 10km qu’on se prépare pour une polar. Et il y a eu Méaudre et ce virus de merde qui a terrassé mes chiens pendant plus de 10 jours. Là je me dis que franchement, les courses, c’est juste bon à casser les chiens…alors bof, pas mon genre. Et c’est d’humeur un peu mitigée que je charge la voiture et prend le départ pour le Nord sous une pluie diluvienne, fin janvier.
Arrivée au Nord, la bonne humeur ambiante et les pistes magnifiques me remonte le moral. Tout le monde me dit « alors tu vas faire la polar cette année ? » et je réponds « je me suis inscrite sur la polar, je ne sais pas encore si je vais la faire ». Les premiers runs sont magnifiques, les pistes parfaites, le rythme des chiens est bon mais, déjà là, je vois que ma mémé Uma de 9 ans et demi ne tire plus dès ça va un peu trop vite. Et puis il y a Djinn qui passe direct en wheel car lui, il connait bien Drevdagen, et ça ne lui plait pas trop les entrainements qui dépassent 2h de temps ! 400km la tug molle, il a fait le Djinnou, un record !
Après 500km d’entrainement c’est la Yum qui se met à pécloter. Elle commence à avoir des tendinites aux anterieurs. Massage, vrap, osteo, homeo, cataplasmes, repos … rien n’y fait…ma Yum est out. Alors c’est décidé j’abandonne l’idée de cette course car sans mon petit tracteur je suis toute nue, et le plan était de courir avec mes chiens sinon rien. 53'000 sms plus tard, tout le monde me convainc que, vu l’effort et le boulot fait jusque-là, ce n’est pas siiiii dramatique d’emprunter un chien pour une course. Après quelques essais, c’est finalement Abraxa une petite chienne de 6ans, toute ronde, une indépendante qui n’aime pas s’arrêter et qui semble s’intégrer dans ma petite équipe sans arrière-pensées. 25km, c’est le seul entrainement que l’on a pu faire ensemble.
Alors voilà, je me présente au check matos/chiens deux jours avant la course avec un Djinn qui s’est économisé pendant le ¾ des entrainements (et même si je me dis qu'il va bosser sur la course, je ne suis sûre de rien), une Uma qui ne tire que dans les montées quand on ralenti fortement le tempo, une Abraxa qui ne nous connait pas et qui n’a jamais fait de courses (ni d’entrainement) de longue, un Carmack qui en est à sa première saison et enfin Inuvik et Robidou sur qui je peux, en principe, compter. Et tous ces mushers allemands qui me disent « tu cours à 6 chiens ? ma pauvre…c’est bien courageux ! »…un peu limite pour partir sur 160km.
On va déjà starter et après, on verra. La veille de la course, le matos est prêt depuis plusieurs jours, je ne peux rien faire d’autre que m’angoisser inutilement et attendre que les heures passent. Le jour J, j’arrive à Sarna deux heures avant le départ, et là je peux enfin m’occuper l’esprit et m’affairer à préparer le traineau, sortir les chiens, leur mettre le harnais, me changer, la crème aux pattes, les booties… Violaine et Eric m’aident, ils ont une grande expérience des courses de longue et ils savent ce qu’est l’état d’esprit du musher à ce moment-là. Ils ne me demandent que le strict minimum d’infos pour atteler les chiens. J’apprécie. Je prends le risque de mettre Djinn en lead avec Inuvik, comme on a toujours fait pour les courses au sud. Je suis tellement dans ma tête que je ne vois même pas PAH starter 2 minutes avant moi. Ils me font des grands signes sous la bannière de départ, j’avance … encore une minute…les chiens se jettent dans leur harnais.3…2…1…go !
« ok les chiens », et c’est parti, et tout mon stress s’envole à cette seconde-là. Ils foncent. Et pourtant c’est la première fois qu’ils tirent un traineau vraiment lourd, j’ai l’impression qu’ils ne s’en rendent pas compte. Les km défilent, à 10km on dépasse un team de 8. A 15km, un team me dépasse, je le suis un moment, il tourne à 17km/h, je sais que je ne vais pas tenir longtemps ce rythme, pas grâve. Il finira premier, pas étonnant. Après 2h, on a fait 30km, je m’arrête, snack et repars. Peu après, un musher allemand me dépasse ….en chantant ! surprenant dans ce monde silencieux qu’est la longue distance … je le suis sur toute la première montée au son de ses chansons ! Le traineau lourd, là je le sens bien dans la montée ! Je m’invente une nouvelle technique pour aider : bras droit avec le stick et pied gauche en même temps. Je dépasse 3 pulkas avec des malamutes sur la descente. Robidou est victime de sa phobie des malamutes et je sens qu’il faibli un peu. Je perds mon chanteur allemand. Encore une montée qui nous amène au-dessus de la limite des arbres avec des montagnes toutes lisses, rondes et blanches. Le soir tombe gentiment, c’est superbe ! Je rattrape un attelage sur le dernier rec. Juste devant moi ses 8 chiens font demi-tour et redescendent. Nondidju ! Pour la seule fois de la course je pousse mes chiens : devant devant ! Mais je me stresse inutilement. Grimper des montagnes ils savent faire. Ils ne bronchent pas et continuent avec un coup de regard en coin à cet attelage qui redescend.
4h…53km. Deuxième snack, tout le monde dévore, c’est bon signe. Je prépare la frontale car la nuit tombe. Je sais qu’il va y avoir une longue descente de 25km jusqu’au check point. Le ciel est clair il y a encore une bande rose à l'horizon, le froid s’installe, c’est tellement beau ! J’allume la frontale, Inuvik et Djinn partent au galop, je dois freiner pour ma mémé : les descentes rapides ce n’est vraiment pas son truc. Robidou, court mais ne tire plus …mais qu’est-ce qu’il lui arrive ? Je rattrape un attelage, et entre derrière lui dans le check point.
75km. Il y a du monde là-dedans. Je décide de ne pas rester, je change les booties, contrôle les pattes, les carpes. Je snack, Uma ne mange pas. Ce n’est pas bon, car Uma est une grosse mangeuse. Après 10 minutes, je repars. Un attelage est sorti 1 minute avant moi, je vois sa frontale au loin. Les chiens ressortent sans souci du check point. Ca m’épate moi-même ! Ils vont bon train, Robidou et Uma rebosse un moment mais rapidement ils lachent la traction sur la tug. Il n’y a plus que Djinn, Inuvik, Carmack et Abraxa qui bossent. Un attelage me dépasse : c’est Christian ! ça fait chaud au cœur de croiser quelqu’un de connu ! Je me colle derrière lui pendant 20km. Puis je décroche, à 4 chiens je ne tiens plus la vitesse. Il n’y a plus personne ni devant, ni derrière. La nuit est noire, silencieuse et superbement étoilée. Minutes de bonheur. On rattrape et dépasse un attelage de 8 malamutes puis à nouveau Christian qui s’est arrêté pour snacker. C’est ensemble que nous entrons dans le check point des 120km. Il n’a que 20 minutes d’arrêt obligatoire pour égaliser les temps de départ. Il est vite reparti. Moi j’ai 45 minutes, et comme ma mémé est fatiguée, je décide de les laisser se reposer plus longtemps. Je leur fait des nids de paille, check les pattes, les muscles, leur donne de la viande. Tout va bien. Robidou et Uma se roulent en boule immédiatement. Mes trois gars sont assis et observent les alentours. Je leur demande de se coucher. Abraxa hurle ! le mode « arrêt » elle ne connait pas et en plus Christian est reparti (sa meute à elle !!!). Je dois m’installer à ses côté dans la paille pour qu’elle se calme et se couche. Après 1h30 dans la paille je commence à avoir froid et mon putain de mal de dos me tire de plus en plus. Tous les chiens sont en boule et dorment. J’hésite … et puis je me dis que si je ne les réveille pas, on va encore être là demain matin. Je sors la viande et tous se lèvent et mangent, mais Inuvik, Uma et Robidou se recouchent. Je prends sur moi, me dis que ça va aller, j’attache Carmack en lead avec Djinn et je ressors du check point. Et ils repartent ! Mais comment ils font ? Ils sont fous ces chiens ! Robidou boite après quelques kilomètres. Merde. Je m’arrête, je contrôle tout mais ne trouve rien. Je repars. Il ne boite plus. Ouf. On dépasse un attelage de 8 samoyedes. Carmack en lead dépasse, avance un peu, se retourne, regarde les 8 samoyedes qui hurlent, me regarde (je reconnais son regard de « maman au secours c’est quoi ces trucs blancs qui hurlent »), fait demi-tour, emporte toute l’équipe et… me saute dans les bras … hum … bon. Je mets les ancres, le rassure et repasse Inuvik en lead avec Djinn. Et on repart encore. Pas très vite certes, mais au moins Uma retire. Pas Robidou. Une longue montée, la dernière, mais qu’est-ce qu’elle est longue et interminable. Ca monte encore et encore. Et encore … et encore… Je me retourne je vois 2 ou 3 frontales loin derrière moi. Enfin le sommet et je sais qu’il reste environ 35km de descente jusqu’à l’arrivée.
Les plus longs 35km de ma vie de musher ! Djinn et Inuvik repartent au galop (mais comment ils font ???), je dois freiner car Uma ne suit pas et je sens que Abraxa est sur la retenue aussi. Robi ne tire toujours pas. Mes trois gars devant doivent galoper contre le frein. Ca me fait mal de leur faire subir ça après 140km ! Mais je n’ai pas le choix. Le décompte des kilomètres ne semble pas diminuer. Je vois Djinn prendre un galop plus court, plus raide, pas bon du tout ça. A 10km de l’arrivée je dois charger Abraxa dans le traineau, car elle se met à boiter. Elle a un méchant carpe mais elle ne veut pas rester dans le traineau. Je dois la retenir, m’arrête, lui re arrange plus de place, lui explique que je n ai pas le choix, qu’il faut absolument qu’elle reste dans le traineau. Pendant ce temps, deux attelages me dépassent. Uma et Robidou sont hs, il n’y a plus que Djinn, Inuvik et Carmack pour tirer tout ça. Je me maudis de les avoir entrainé dans cette galère. Je leur promets que je ne leur demanderais plus jamais ça. Je me jure que c’est la première et la dernière fois. Avec seulement 6 chiens dans son chenil, vouloir faire de la longue, c’est du carnage. Je veux que ça s’arrête, j’aimerais les mettre tous au chaud dans la voiture, les laisser s’allonger, dormir, récupérer. Mais elle va finir cette putain de course oui ???? Le lac à traverser enfin ! Mais il faut encore remonter sur la berge en face. Je pousse, j’ai terriblement mal au dos, c’est la rage d’en finir qui me fait avancer. Il y a PAH et les Carpats sur l’arrivée, tout guillerets qui me félicitent. Moi je suis fachée, fachée, fachée d’avoir entrainé mes chiens dans cette galère. Les vétos me disent que Djinn et Abraxa ont des méchants carpes…oui je sais merci. Je charge tout dans la voiture, j’ai juste envie d’être seule, de prendre soin de mes éclopés et de rentrer à la maison. Plus jamais jamais ça.
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On dort jusque dans l’après-midi, Inuvik, Carmack et Djinn au pied de mon lit.
Il fait grand soleil, je les sors un moment, ils me font la fête mais retournent vite dormir. Pas rancuniers pour deux sous !
Le lendemain je les lâche au parc et ils courent et jouent. Ils sont un peu raides mais de bonne humeur. Ils sont incroyables !
Le sur lendemain je les attelle en éventail juste pour 2km sur le lac … et ils repartent tous le plumeau en l’air !
Le soir même j’allume mon ordi, et tape un memo d’idées, de réflexions, de remarques … à ne pas oublier … … pour la prochaine fois !
Mes chiens, vous êtes absolument exceptionnels !
6 commentaires:
Quand les 4 pattes donnent tout, que les 2 pattes s'en rendent compte, qu'au lendemain tout le monde va bien, il faut retenir l'expérience unique, les bons souvenirs, la joie d'y être arrivé ensembles.
Chapeau bas à tous...
Bon... j'ai bien compris que c'est un peu à cause de moi que tu t'est embarquée dans cette "galère". J'avoue je t'ai un peu forcé la main pour t'inscrire! ...et plusieurs fois cet hiver je m'en suis voulue ..mais malgré tout aujourd'hui je me dit que c'est bien que tu l'aie fait! ...et puis on a quand même bien rigolé à Ljungdalen quand on préparait notre matériel: ..une boîte d'allumette 30gr, une gamelle 60gr, un couteau 250 gr, mince le mien fait 600 gr... ;-)
Et puis j'adore ta dernière phrase:
...la prochaine fois!
maintenant je ne regrette rien, et j'en suis même plutôt fière ! Merci Kakou de m avoir "forcé un peu la main", car sinon c'est sur, je ne l'aurais pas faite !
Lorsqu’on se trouve dans une mer déchainée, de nuit, trempé jusqu’aux os, les embruns qui singlent le visage, on se dit que diable fais-je dans cette galère, on ne m’y prendra plus jamais….. jusqu’au moment ou, arrivé dans le calme bienfaisant d’un port, tournant les amarres aux taquets on oublie les résolutions de la nuit, se souvenant, qu’on avait déjà eu ces mêmes pensées.....lors d’une tempête précédente !
Bravo pour votre course, pour votre exploit et félicitations pour ton texte.
Tu as goute a une VRAIE premiere course avec presque tous tes loulous! Tu as raison, a 6 chiens, on ne fait de longue distance dans de bonnes conditions. C'est pour cela qu'il t'en faut plus! ;-p Crois-moi les courses futures vont se passer differemment, mais une chose est sure, tu vas toujours apprendre quelque chose! Et tes chiens ne t'en voudront jamais de les embarquer la-dedans, parce que travailler avec toi est leur raison de vivre :-)
Je vous souhaite beaucoup d'autres Polar Distans, ca a l'air d'etre une course merveilleuse.
Hahahaha!!
"La prochaine fois.."
J'ai écrit le même genre de texte que toi après la Femund, mais on conclut tous "à quand la prochaine!"
Bravo pour ta course!
Sandrine
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